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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/120

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l’abbaye d’évolayne

Mais quand il reprenait avec une insistance persuasive :

— Je ne suis qu’un instrument entre des mains puissantes et miséricordieuses…

Bien souvent, il voyait naître sur le visage qu’il observait avec sollicitude une expression d’étonnement respectueux, une émotion qui permettait tous les espoirs.

Il tenta et réussit des opérations difficiles qui accrurent, en même temps que sa réputation, son prestige moral. L’humble foi de cet homme, considéré comme un des plus grands chirurgiens de l’heure, touchait profondément ses malades. Il n’était point rare que ceux qui lui devaient la vie du corps, réclamassent encore un secours spirituel. Mais il ne pouvait accomplir seul les conversions dont il était l’instigateur. Parfois, il arrivait que le pénitent amené par lui à un prêtre prenait peur devant cet inconnu, et, faute de savoir s’expliquer ou de se sentir compris, tout à coup opposait à la grâce un refus éperdu. De tels échecs créaient dans la vie de Michel des drames bien autrement profonds que ceux de la mort charnelle.

— Ah ! disait-il à Adélaïde, si j’avais été prêtre, cette âme ne m’aurait pas échappé.

Elle le calmait, indulgente à sa déception :

— Vous êtes toujours le même homme qui, à ses débuts dans la médecine, entendait guérir toutes les maladies. Allez, il n’est pas donné au plus saint prêtre de convertir tous les pécheurs.

— Mais lui seul possède les pouvoirs qui sauvent, et il y a si peu d’apôtres pour toute cette immense foule qui souffre et qui attend dans les ténèbres.