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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/139

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l’abbaye d’évolayne

pria, toute l’âme dressée dans un effort à la fois héroïque et facile.

Elle quitta Helmancourt après les vêpres, et retourna vers Évolayne. La route qui longeait la colline était bordée par des bois de sapins, arbres sévères, arbres calmes, que la brise n’émeut point, que la lumière pénètre imparfaitement. Sous leurs ombrages, le recueillement du cloître persistait. Adélaïde ne se troubla point en voyant Michel venir à sa rencontre. Il marchait lentement, semblait n’approcher qu’à regret, car il attendait d’elle une réponse décisive qui pouvait combler ou briser sa vie et elle savait qu’il avait peur des mots qu’elle allait prononcer.

— Bonsoir, Michel, mon frère, dit-elle en lui serrant la main.

Surpris du nom qu’elle lui donnait, il lui jeta un bref regard où tremblait l’espérance. Il se taisait, craignant encore de se méprendre. Elle se hâta de le rassurer en ajoutant :

— J’accepte l’épreuve qui nous est imposée, j’accepte dès maintenant tout ce que Dieu voudra nous demander.

Elle savoura sans aucune arrière-pensée égoïste la joie qu’elle venait de lui donner. Car le glaive qu’elle avait dans le cœur à cause de lui, pour toujours, elle en pouvait supporter la morsure pénétrante et suave ; son patient amour pouvait attendre jusqu’à l’éternité. Elle souriait, l’âme aussi paisible, aussi douce que ces bois assombris où ils échangeaient ce soir leur premier adieu :

— Je renonce à vous, Michel, dit-elle simplement.

— Je renonce à vous, répéta-t-il.