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l’abbaye d’évolayne

projet défini. Les Ardennes qu’il avait traversées au début de la guerre l’attirèrent. Il voulut revoir avec sa femme la vallée de la Meuse. « Nous trouverons bien par là, dit-il, quelque coin agréable où nous pourrons nous installer pour une longue villégiature. » Mais cette région rude et sauvage, encore peu connue, n’offre point grande ressource aux touristes. Les auberges y sont rares et sans confort. En outre, Michel, homme d’action, bien qu’il aimât la nature ne savait point s’y contenter d’un long loisir. À Joigny-sur-Meuse, à Layfour, à Monthermé, il déclara : « Voilà l’endroit rêvé. » En deux jours, marchant du matin au soir, il épuisait les charmes des promenades. Puis il repartait, dévoré par l’appétit du nouveau.

— Je n’appelle pas cela se reposer, mais entasser de nouvelles fatigues, disait Adélaïde.

Elle le suivait, un peu lasse, indulgente pourtant. Elle savait qu’à l’homme, toujours désireux d’accroître l’étendue de sa connaissance, un seul pays, un seul livre ne peuvent suffire. Elle admirait chez son mari cette avidité de l’esprit, à laquelle elle devait, dans l’ordre intellectuel, d’immenses enrichissements. Leurs rôles ici-bas étaient différents. À lui appartenait le soin de la recherche, à elle celui de garder jalousement le trésor acquis. Michel découvrait pour elle dans les livres, dans l’art, dans la nature bien des beautés qui lui eussent échappé. Il s’en saisissait, s’enthousiasmait et passait outre, alors qu’elle, lente à comprendre, lente à s’émouvoir, couvait et savourait longtemps la chose aimée.

Un matin, ils atteignirent les bornes de la France, la plaine pelée de Givet. Ils furent d’accord pour