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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/213

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l’abbaye d’évolayne

— Oui, murmura Adélaïde, évidemment.

Cette fois Michel tressaillit :

— Triste mentalité ! Vous en êtes là ?

Elle eut un sourire découragé :

— Un autre amour m’aurait guérie,

— Si vous étiez malade, que ne vous adressiez-vous à Celui qui sauve et console.

— Les autres, non point moi.

Elle éprouvait un sourd plaisir à voir enfin la consternation de Michel devant la misère qu’elle lui révélait ; cependant, par un grand effort, il parvint à se reprendre.

— Nous nous égarons, dit-il, nous nous perdons dans les détails, négligeant l’essentiel et je vous comprends mal parce que vous ne m’avez encore rien expliqué. Il me faut d’abord savoir pourquoi vous avez quitté Helmancourt et vous m’exposerez ensuite aussi complètement que possible votre état d’âme depuis votre départ. Je pense que vous ne me cacherez rien, Adé.

Elle ne s’était préparée qu’à ces confidences aisées qu’on échange la main dans la main, les yeux dans les yeux, cœur contre cœur. L’espace qui les séparait, bien que restreint, ne favorisait point l’expansion. Là où les corps sont éloignés, les âmes, si ardemment qu’elles se cherchent, ne se confondent pas. Or, loin d’aider à ses aveux, Michel, créant une difficulté nouvelle, venait de se détourner. Le coude appuyé sur la table, couvrant d’une main son visage, il avait pris instinctivement l’attitude du confesseur auprès d’un pénitent. Elle eut froid parce qu’il ne la regardait plus et qu’il n’était plus pour elle que ce juge attentif,