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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/246

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l’abbaye d’évolayne

rités… » À travers ses larmes les choses lui apparaissaient sous un aspect funèbre. Très bas, plaintivement, elle murmura :

— Je ne vois plus !

Son accent était si pathétique que le moine en fut bouleversé. Mais, placé entre deux devoirs, il choisit, par esprit de sacrifice, le moins pressant et le moins cher : le jeune étranger au lieu de sa femme, l’indifférent à peine blessé au lieu de cette malade qu’il laissait sans comprendre qu’elle était aux portes de la mort. Il réagit contre son émotion. La forte discipline ecclésiastique paralysa les élans de sa tendresse. L’Église fait de la sérénité une vertu. Elle répète constamment à ses prêtres, à ses fidèles : « Même lorsque vous souffrez, gardez l’aspect de la joie, quand votre cœur est une mer démontée, que votre visage, votre voix, votre geste demeurent assurés et tranquilles. » Michel demeura calme devant Adélaïde. Il ne parut point prendre au sérieux cette détresse qui le remuait pourtant jusqu’aux entrailles.

— Allons, dit-il en souriant, vous avez des yeux pour voir. Essuyez vos larmes et toute la lumière de ce beau jour entrera en vous. À tout à l’heure. Je vous laisse ma paix, chère Adé.

Il aurait pu lui laisser sa très réelle inquiétude, car c’est de cela seulement qu’elle avait soif. Il crut bon de la lui cacher. Le regard avide et navré qu’elle leva sur lui rencontra son regard confiant, aussi clair, aussi pur, aussi cruel pour elle que l’azur du ciel.

— Allez, dit-elle, ne vous hâtez pas, je puis attendre.

La résistance humaine est immense, mais un