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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/248

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l’abbaye d’évolayne

ombre, à un souvenir, au Michel d’autrefois lui semblaient vaines, depuis qu’elle avait revu l’homme nouveau, le prêtre affermi dans la joie. Un cri de douleur s’il est reçu par un cœur froid y perd sa résonance. Elle s’exagéra l’insensibilité plus voulue que réelle du religieux. À chacune de ses plaintes, il répondrait par ce regard serein qui, tout à l’heure, l’avait brisée. Il ne croirait pas à son désespoir. Il sourirait en voyant ce poison dans ses mains. Ce qui les séparait, c’était cette paix imperturbable qui, de toutes parts, couvrait l’âme du moine, armure dont elle ne trouverait jamais le défaut pour atteindre et blesser ce chevalier de Dieu. D’ailleurs, en admettant qu’elle réussît à l’émouvoir, que pouvait-elle lui demander ? Son exigence croissait avec sa misère. Elle ne croyait plus que la compassion, la sollicitude, forcément mesurées, de celui qu’elle aimait parvinssent à lui suffire. Même s’il lui permettait de demeurer à Évolayne, elle ne le verrait que rarement, quand il serait libre et n’aurait pas d’autres devoirs. Craignant toujours de trop céder à la tendresse humaine, il mettrait à la fuir le même soin qu’elle à le chercher. Tant qu’elle vivrait elle serait pour lui un fardeau, un souci accablant, vite exécré… tant qu’elle vivrait…

Sur ce mot l’affreuse tentation s’imposa encore. Il lui apparut que la mort pouvait être un besoin physique comme celui de la nourriture et du sommeil. De nouveau, le temps semblait s’être arrêté, chaque minute était un siècle. Elle souhaita d’échanger cette attente éternelle contre une éternelle stupeur. De toutes façons Michel était perdu pour elle. Ils suivaient deux voies différentes qui