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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/258

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l’abbaye d’évolayne

sarroi même le plus pressant devoir envers celle qui n’avait d’autre intercesseur que lui. Pour guérir l’âme si profondément atteinte, il fallait tout d’abord prolonger la vie du corps. Le moine se dressa pour agir au plus vite, obligeant Adélaïde à se lever.

— Venez, dit-il, cherchant à l’entraîner, venez avec moi.

— Où cela ?

— À l’abbaye !

Elle eut un mouvement d’effroi et de recul. Il supplia :

— Par pitié, chérie, le temps presse, il vous faut des soins immédiats. Vous ne voulez pas me suivre ? Eh bien ! laissez-moi, je vais faire téléphoner à la ville, je reviendrai dans un instant.

Mais elle semblait s’enraciner au sol et le retenait de toute sa force.

— Je ne veux pas, gémissait-elle. À l’abbaye, nous ne serions plus seuls, on nous séparerait encore. Je ne vous suivrai pas et je ne veux pas que vous me quittiez. Si vous vous éloigniez, ne fût-ce que pour un instant, serais-je sûre de vous revoir ? Vous ne songerez qu’à me sauver tout d’abord, vous irez, plein de zèle, chercher quelques remèdes et puis, au parloir, l’un de vos pénitents ou n’importe quelle dévote vous arrêtera, vous ne penserez plus à moi.

L’absurdité de cette hypothèse arracha de nouvelles larmes au moine, en lui prouvant à quel point il avait été cruel pour Adélaïde. Il fallait qu’il l’eût fait bien souffrir pour qu’elle le crût capable de l’abandonner en un tel moment, d’oublier à la vue du premier venu le péril où elle était.