Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/109

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au mystère des courses plates ou pour me faire admirer ses photographies d’actrices. Je la retrouve telle que, plus tard, elle m’apparaissait, lorsque je venais y convenir avec Antoine de quelque partie de théâtre ou de restaurant. Tout y est à peu près à la même place. Voici, aux murs, les gravures anglaises, sur les tentures de perse claire. Seulement, aujourd’hui, je n’entends plus, dès le seuil, la grosse voix joyeuse d’Antoine. Les rideaux des fenêtres sont à demi tirés. C’est maintenant la chambre d’un malade, avec son silence et sa demi-obscurité.

Mme Bruvannes m’avait prévenu que je trouverais Antoine très changé. Comment l’avouer, mais cette pensée qu’il n’était plus le même m’était plutôt agréable, si j’ose dire. Il m’aurait été pénible de retrouver l’Antoine du voyage en Bretagne, l’Antoine de l’époque de notre querelle. Mme Bruvannes n’avait que trop raison. Antoine Hurtin est méconnaissable. Quand je suis entré, il était étendu sur son divan. Son gros corps semble dégonflé. Son geste, sa voix sont d’un autre. Cette impression a achevé de m’adoucir, et c’est sans rancune que j’ai serré sa lourde main molle.


14 février. — Cette transformation d’Antoine est vraiment singulière et n’est pas en proportion avec la gravité de son état qui, en somme, ainsi que le docteur Tullier ne cesse de l’affirmer à