Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/14

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ses affaires prospéraient. Les premières difficultés vaincues, il gagnait maintenant honnêtement sa vie, et il tenait à m’en dire toute sa gratitude, en y joignant ses souhaits de bonheur et de santé. Tout en parlant ainsi, Pompeo Neroli dénouait la ficelle d’un assez gros paquet. Y parvenant difficilement, il la coupa avec ses dents de jeune loup, puis il débarrassa l’objet des papiers qui l’enveloppaient. Je le regardais faire avec intérêt, car je comprenais que Neroli allait joindre à ses paroles un petit présent d’amitié, et j’avoue que cette attention me touchait. Mais le cadeau de Neroli était de conséquence, et je le vis me tendre, d’un geste gracieux, un fort volume relié en parchemin.

À cette vue, je m’exclamai avec une surprise à demi feinte : « Comment, Neroli, c’est pour moi, ce beau volume ? Ah ! ça, c’est gentil ! » Neroli s’était mis à rire. « Permettez-moi, monsieur Delbray, de vous offrir ce modeste souvenir. J’ai bien pensé à relier pour vous quelque exemplaire de Dante ou de Pétrarque, mais je me suis dit : « M. Delbray aime trop à lire pour ne pas aimer aussi à écrire. » Alors, j’ai trouvé mieux de n’enfermer sous couverture que des feuilles blanches. Comme cela, vous mettrez dessus ce que vous voudrez, j’espère beaucoup de bonheur et de plaisir. »

J’ai secoué vigoureusement la main de Pompeo Neroli et nous avons causé quelque temps très amicalement, après quoi Neroli a pris congé. Grâce à lui, je savais que l’année nouvelle commençait le surlendemain et que je venais, la veille, d’avoir