Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/168

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Quant à vous, mon cher Jérôme, je ne refuse pas non plus de vous envoyer d’ici les dernières créations du chapelier à la mode et du tailleur en renom. Mais cela n’a pas d’importance pour vous. Votre nouvelle femme vous adore et, fussiez-vous vêtu de défroques innommables et de guenilles sordides, elle ne vous en adorerait pas moins. Je suis ravie de la savoir en ces dispositions, car il est bien agréable pour un homme d’être éperdument aimé. Cela le dispense même d’être aimable, ce qui ne sera jamais votre cas. Cependant, comme je souhaite de tout cœur que le sentiment qu’Alicia a pour vous soit durable, laissez-moi vous présenter certaines petites réflexions que j’ai faites et qui sont presque des conseils.

Vous avez de grandes qualités en amour, mon cher Jérôme, et je me plais à le reconnaître. Je mets à part, naturellement, celles sur lesquelles il serait de mauvais goût d’insister, mais qui ont bien, tout de même, leur prix. Outre donc ces qualités trop intimes pour en parler, vous en avez d’autres. Vous êtes franc, loyal, empressé. Je pourrais grossir la liste, mais je m’arrête. Par contre, vous avez un défaut que je veux vous signaler, car il pourrait être un danger pour votre bonheur conjugal. Vous n’êtes pas attentif, Jérôme.

Or, l’attention est une des choses dont les femmes sont le plus reconnaissantes et à laquelle elles sont le plus sensibles. Je ne veux pas parler, bien entendu, de cette attention qui est une des formes de la politesse et qui est désignée plus exactement par cette expression : des attentions. « Avoir des attentions » pour une femme, c’est charmant, c’est gentil et ce n’est pas inutile. C’est témoigner d’une galanterie naturelle qui a sa valeur et son mérite. Les femmes en savent gré aux hommes. Mais ces « attentions », qu’elles acceptent avec