Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/19

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jour, laisse là sa glaise et son ébauchoir et disparaît de Paris pour un temps plus ou moins long, en emmenant sa nouvelle conquête. Généralement, cette fugue ne dure guère plus d’un mois ou six semaines, pendant lesquels personne n’entend plus parler de lui ; après quoi, on le rencontre, un soir, au théâtre ou au cabaret, vous vantant les agréments de la forêt de Fontainebleau, des petits ports normands ou bretons, ou de quelque point particulièrement pittoresque de la Côte d’Azur. Quant à la compagne du voyage, il n’en est pas plus question que si elle n’avait jamais existé.

Et cependant l’aimable Jacques de Bergy est loin de faire un secret de sa méthode, s’il est peu bavard au sujet de la personne qui lui a servi à l’appliquer. Bien au contraire, il discute volontiers de ces questions, quand on va le voir à son atelier de l’avenue des Ternes, où, dans la fumée des cigarettes, les petites figurines qu’il modèle avec un art charmant disent son goût voluptueux et patient de la femme. Alors, il ne vante pas seulement l’agrément de son système, il en proclame la sécurité.

À l’entendre, en effet, ce qui favorise le mieux les attachements, dangereux pour la liberté qu’un homme doit toujours tâcher de garder, ce sont les difficultés que ces attachements rencontrent, ou à leur début, ou au cours de leur durée. La contrainte et les empêchements piquent au jeu notre vanité. Il en résulte que nous risquons de nous prendre de passion pour les objets de notre fantai-