Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

des circuits de patineur. Mais, hélas ! depuis mes modestes exploits de collégien au manège, je n’ai ni tenu la bride, ni chaussé l’étrier, et je serais fort embarrassé si je me trouvais sur le dos d’un cheval. De même, je ferais piteuse figure sur la glace d’une pièce d’eau et je risquerais fort d’y donner le spectacle de quelque belle culbute. Mes patins sont accrochés dans le passé à côté de ma cravache de cavalier, et il est plus prudent de laisser en paix cette panoplie et de me contenter d’une longue promenade à pied par les rues.

C’est à ce parti que je me suis arrêté. J’ai annoncé à Marcellin que je ne déjeunerais pas et qu’il pouvait disposer de son après-midi. Il a accueilli cette nouvelle avec une satisfaction respectueuse. Depuis quelques mois, Marcellin me trouve, pour son goût, trop casanier. Sa liberté se ressent de ces habitudes, non pas que Marcellin fasse grand usage de cette liberté, car, quand je m’absente, il reste le plus souvent à la maison, mais l’idée que je n’y suis pas lui est agréable. Il ne dépend plus de mon coup de sonnette. Il est tranquille. À quoi s’occupe sa tranquillité ? Je l’ignore. Sans doute, Marcellin poursuit quelque humble rêve. Qui n’a les siens ?

Une fois dehors, je me suis demandé comment j’emploierais ma journée. Soudain, la pensée m’est venue d’aller la passer à Versailles. Je prendrais le train à la gare de l’Alma et je déjeunerais aux Réservoirs et, ensuite, une longue promenade dans le parc ! Ce froid clair, cet air léger et élastique