Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/316

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Et si encore il était poli et attentionné ! Mais non ! Tout pour lui, rien pour les autres ! »

Et le pauvre Gernon ne dérage pas. Oui, un joli Monsieur que ce M. Hurtin, qui s’est perdu la santé à faire la noce, qui a passé sa vie à jouer aux cartes, à souper, à chasser, à courir les actrices, et tout cela aux dépens de sa tante, car il lui en a coûté de l’argent à la digne Mme Bruvannes ! Cela, il le sait par ses amis Subagny. D’ailleurs il finira bien par la ruiner, sa tante, le gaillard ! Il n’y a pas de fortunes qui résisteraient. Certes, Mme Bruvannes est riche, mais, enfin, on n’a pas pour rien, n’est-ce pas, pendant deux mois, un yacht comme l’Amphisbène ? Et Gernon, avec un curieux mélange de respect et de blâme, m’énumère le revient d’une croisière comme la nôtre, ce que l’Amphisbène représente en location, en charbon, en nourriture, en frais de toutes sortes. Son âme d’avare souffre de cet argent dépensé autour de lui et dont cependant il profite dans une certaine mesure. Mais cet argent est celui de Mme Bruvannes, et je me demande si Gernon ne se serait pas, pour tout de bon, imaginé que Mme Bruvannes ne dédaignerait par ses avances. En ce cas, Gernon voit dans les dépenses d’Antoine un attentat à ses futurs intérêts personnels. Puis il revient sur la déception que lui cause et sur le tort que lui fait notre changement de route de l’autre nuit. Renoncer à la Crète pour un petit coup de vent ! Quel capon ! Quelle poule mouillée, que ce M. Hurtin ! Et Gernon, sa petite figure rose et ridée rafraîchie par le mal de mer, a oublié la triste mine