Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/326

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19 juillet. Alger. — Nous sommes mouillés dans la rade, assez loin du quai. De la place où nous sommes, la ville se développe devant nous en amphithéâtre, et c’est très beau ! Alger, pourtant, ressemble à nos villes de France. Mais elle a, vue ainsi de la mer, je ne sais quoi de théâtral et de triomphant. Marseille, même, n’a pas cet aspect étagé et pompeux. J’aime cet air de ville de conquête qu’Alger a ! N’est-elle point, en effet, une ville guerrière ? Peu à peu, elle a dévoré l’antique cité barbaresque dont il ne reste que quelques vestiges de jour en jour diminués, sur le port la vieille mosquée de la Pêcherie, et là-haut, les blanches maisons de la Kasbah. Cette Kasbah, dont nous apercevons d’ici la tache orientale, elle est la partie d’Alger qui nous attire, Mme  de Lérins et moi. Nous y avons retrouvé les rues étroites de Tunis et de Kairouan, pleines d’angles mystérieux, de passages secrets, mais auxquelles s’ajoutent ici les surprises de leurs pentes roides, de leurs escaliers inattendus. Nous y avons marché à l’ombre des murs blanchis à la chaux ; nous y avons rôdé, frôlés par la laine d’un burnous ou effleurés par la gaze d’un voile ; nous nous y sommes promenés en tenant à la main des chapelets de fleurs de jasmins liées par un fil. Il faisait beau et chaud. Les fleurs odorantes se balançaient à nos doigts. Une minute, nos chaînes de fleurs se sont emmêlées et nous nous sommes trouvés liés par des pétales, liés par des parfums. Ah ! ce doux