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Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/338

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Gernon grimaça un sourire :

— Rien de nouveau ! mais si, mais si…

Il minaudait et jouissait de mon impatience. Je l’aurais volontiers pris au collet et secoué dans son complet vert. Il reprit :

— Mais si, monsieur Delbray, il y a du nouveau et j’ai même à vous annoncer une nouvelle qui vous chagrinera, comme elle nous a chagrinés tous.

Il s’arrêta. Mon cœur battit violemment. Je savais qu’il s’agissait de Mme de Lérins. Était-elle malade ? Quelque accident ? Gernon continua :

— Oui, l’Amphisbène n’est plus désormais qu’un vulgaire rafiot, un vague ponton. Il a perdu son plus bel ornement ; il est privé de sa plus gracieuse passagère.

Malgré le ton badin de Gernon, je sentis que je pâlissais. Une angoisse inexprimable m’étreignit. Je m’écriai brutalement :

— Mais parlez donc, Gernon ! Mme de Lérins…

Il ricana :

— Calmez-vous, calmez-vous, mon cher Delbray. Rien de grave, je vous assure. Une simple contrariété. La charmante Mme de Lérins n’est plus avec nous. Elle est partie…

— Partie !…

— Mais oui, partie… aujourd’hui même, à une heure.

— Partie pour où ?

— Mais pour la France, pour Marseille, pour Paris. Elle s’est embarquée sur le paquebot qui était là, vous savez, l’Isly