Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/354

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Elle était jolie et bizarre, cette petite Kabyle ! Elle était vêtue d’une chemisette en gaze pailletée, à travers laquelle on distinguait sa peau obscure et lisse, et que recouvrait une courte veste brodée. Un large pantalon de mousseline bouffait autour de ses chevilles. Elle s’approcha du divan en faisant claquer à ses talons ses babouches de cuir jaune, puis, sans façon, elle s’assit entre Yves et moi. Je voyais ainsi de tout près son visage sombre et fardé, ses yeux éclatants, son nez aux narines larges, son sourire humide et charnu où luisait la blancheur des dents. Contre le mien, je sentais son corps souple et chaud. Elle riait, en balançant les grandes boucles qui pendaient à ses oreilles et en faisant tinter les bracelets qui cerclaient ses poignets, tandis qu’Yves, la main passée sous la chemisette de gaze, palpait sournoisement la gorge de la petite drôlesse et qu’Hassan faisait gronder de plus belle son tambourin.

Yves semblait fort excité et je compris qu’il était temps de me retirer. Au moment où j’allais me lever du divan, je sentis un bras nu m’entourer le cou. Brusquement, la fille m’attirait à elle. Je n’étais nullement en humeur de plaisanter et je la repoussai non sans brusquerie, mais elle s’amusait au jeu et j’avais peine à éviter les grosses et belles lèvres rouges qui cherchaient vigoureusement les miennes. La petite moricaude était plus forte que moi. Elle était alerte comme une jeune bête. Son rire rauque retentissait dans la pièce sonore où le tambourin de Hassan s’était tu. Yves, ravi, excitait