Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/357

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mine excellente. J’ai passé mon temps des plus acceptablement. Nous avons fort mal vu de très belles choses, comme il arrive le plus souvent en ces sortes d’excursions. Il en fut ainsi de la nôtre ; malgré cela, j’en garde un souvenir fort agréable.

Ce n’est pas que la compagnie, à ne vous rien celer, n’eût pu l’être davantage, mais elle était supportable, et même mieux. D’ailleurs, en eût-il été différemment, je n’irais pas, maintenant que je les ai quittés, dénigrer mes compagnons de route. Je trouve ces dépréciations de mauvais goût, d’autant plus que je n’ai eu qu’à me louer des attentions de toutes sortes que m’a prodiguées la digne Mme  Bruvannes. Elle a eu pour moi mille prévenances dont je lui suis extrêmement reconnaissante. Elle m’avait fait donner la plus belle des cabines du bord et je n’ai eu, en toute occasion, qu’à me louer d’elle et de ses procédés. Ce n’est pas sa faute si son caractère loyal et son aspect viril imposent plus d’estime que de tendresse. Mme  Bruvannes mérite d’inspirer de l’amitié. De plus, elle est très intelligente et très instruite, mais sans aucun pédantisme. Elle a, plutôt que d’être portée à faire parade de ce qu’elle sait, honte à le savoir. Son cher latin et son cher grec lui paraissent un double péché contre l’ignorance ordinairement propre aux femmes.

Par contre, son neveu Antoine Hurtin est d’un manque de culture absolu. Il n’en discute pas moins de toutes choses avec une magnifique assurance. Du reste, à quoi lui servirait de savoir quoi que ce fût ? Le genre de vie qu’il a adopté l’en dispense. Le brave Antoine n’a guère eu d’autre occupation que de faire la noce. Cela ne lui a pas extrêmement bien réussi, et il a dû s’assagir. Il s’est embarqué assez malade, mais la croisière a eu de fort bons effets sur sa santé. Il en revient à peu près guéri de