Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/90

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Carlo que Bergy déteste autant que moi et où il a perdu quelques rouleaux de louis. Et il a ajouté : « Et maintenant, il va falloir les regagner, mais je me sens heureusement très en veine de travail. Voyez-vous, ces interruptions sont excellentes. Lorsque, pendant quelques semaines, j’ai vécu ainsi dans l’intimité d’une femme, lorsque j’ai manié une chevelure, touché de la chair, vu jouer des lignes, il me semble qu’il me reste aux mains quelque chose de la volupté éprouvée. Je me sens une dextérité particulière. Mes doigts sont plus habiles à modeler la glaise, à faire revivre les mouvements et les formes. Mes figurines y gagnent en naturel et en souplesse. »

Tout en parlant, Jacques de Bergy semblait sculpter dans l’air, au geste de ses doigts fins, des images palpables.


2 février. — Aujourd’hui, en revenant de chez le tailleur, j’ai aperçu, rue de Rivoli, le docteur Tullier, dans son auto. J’étais sur le refuge, en face des guichets du Carrousel, et, je ne sais pourquoi, à la vue de Tullier, j’ai fait un geste d’appel. J’aurais voulu qu’il distinguât ma pantomime et dît à son chauffeur d’arrêter un instant, mais le docteur était occupé à lire une brochure. Quand il eut disparu, je me suis demandé pourquoi j’avais désiré lui parler. Était-ce pour le féliciter de sa fête espagnole ? Non ; je sais bien