Page:Régnier - L’Illusion héroïque de Tito Bassi, 1917.djvu/194

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ou l’autre. Et alors que ferais-je pour arrêter ma Pierina sur cette pente glissante et dangereuse ? Quelle autorité, quel ascendant peut avoir un mari bouffon sur la femme qui sait qu’on le bâtonne, chaque soir, au grand divertissement d’un public qui applaudit aux nasardes qu’il reçoit et aux lazzis qu’il débite ? Hélas ! non seulement je faisais rire les gens sur le tréteau, mais je risquais fort de les réjouir autrement. Pierina était trop jolie pour ne pas attirer les galants et trop coquette pour ne pas être sensible à leurs propos. Et puis se gêne-t-on avec la femme d’un pauvre comédien ?

Ces tracas me tourmentaient douloureusement et me faisaient faire d’amères réflexions sur l’échec de ma vie et la bassesse de ma condition. Et, maintenant, à mes misères, s’ajoutait celle d’être jaloux. Oui, jaloux, et la jalousie dont je souffrais si cruellement me suggérait les projets les plus déraisonnables.