Page:Régnier - L’Illusion héroïque de Tito Bassi, 1917.djvu/23

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de vivre, avec sa vie, maintes autres vies. Elle était, tour à tour et simultanément, qui elle voulait. Elle s’appropriait à sa fantaisie et s’incorporait à l’image qu’elle substituait à sa propre réalité. Par les gazettes qu’elle lisait, elle augmentait l’étendue du cercle magique où elle se mouvait avec une aisance naturelle, et les romans lui apportaient la ressource de leurs personnages imaginaires parmi lesquels elle choisissait ceux qui lui semblaient le mieux à sa convenance du moment. Cette faculté de se transformer ainsi l’entretenait dans un état de distraction habituel et charmant et lui donnait la plus douce égalité d’humeur. Qu’importe d’être l’épouse d’un humble cordonnier et d’occuper un médiocre logis de la contrada del Pozzo Rosso, si l’on peut, à sa guise, s’imaginer qu’on est la plus belle dame de la ville et en habiter le plus beau palais ; si, de petite lingère, l’on peut devenir aussi bien une comtesse Vallar-