Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/112

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charnée. Madame d’Heurteleure ne cria point.

Allait-elle donc réveiller le misérable somnambule que son furieux sommeil avait conduit jusqu’au tragique caveau ? Allait-elle infliger à son orgueil le supplice de cette surprise ? Non. La vengeance de l’outrage était juste. Pourquoi la lui montrer avilie ? Elle se sentit pitié pour les yeux égarés qui la regardaient sans la voir, pour le visage de torture, pour les cheveux blanchis de tant de souffrance silencieuse et elle comprit que pour sauvegarder cette douleur il fallait lui garder le secret de sa déchéance nocturne et le laisser assouvir en paix son terrible désir dans le silence éternel de la tombe, sans qu’il sût jamais quelle main invisible l’y avait muré en face de son sacrilège.

M. d’Heurteleure la regardait toujours. Très calme elle s’agenouilla, baisa la paume verdâtre qui étalait sur la pierre ses doigts décharnés et, du dehors, elle referma la porte et se retira à tâtons, fit jouer le ressort du mur qui assurait l’entrée du passage. Elle remonta la spirale de l’escalier, les marches souterraines, les degrés de l’étage et, au clou rouillé de sa chambre, elle suspendit la clef tragique qui