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Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/124

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pendait au bout de sa tige brisée et ses pétales tombèrent, un à un, durant cette nuit pathétique. Les fines mains de la partenaire battirent les cartes flexibles. La partie commença. L’enjeu, formidable, m’échut, redoublé il m’échut encore, puis de nouveau, puis encore, encore et toujours. Les sommes d’or s’empilèrent, des jetons en représentèrent d’autres ! Madame de Sérences souriait doucement. Nous jouâmes des joyaux ; sa voix claire les nommait, un à un ; les diamants lançaient leurs feux ; des rubis étincelèrent ; des perles coulèrent goutte à goutte. Elle perdit : nous jouâmes des domaines. Leur nom sonore ou charmant les évoquait à mesure : châteaux parmi les forêts au fond d’avenues de chênes ou à travers le rideau des pins, maisons au bord du fleuve, blés roux, brunes terres, prés verdoyants, fermes où mugissent les taureaux, métairies où roucoulent les colombes, sables et rochers, meules et ruches. Madame de Sérences souriait toujours.

Un silence intervint entre nous. Elle s’était levée debout en sa robe de moire verte, une main posée sur la table. Le parfum des fleurs entrait par les fenêtres ouvertes ; une pile d’or