Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/145

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Un grand silence s’était fait dans tout le jardin, car on avait fermé les fontaines au bout des allées d’eau. Le murmure tu s’égouttait en une stillation presque imperceptible, et on entendait ainsi, toute la nuit, sa durée intarissable. La surface des bassins, terne d’une taie crépusculaire, se figea. Les massifs d’arbres se pétrifièrent. Tout prit une attitude de dureté suprême avant de s’abandonner aux ténèbres ; il y eut une dernière résistance des choses à vouloir consister en leur aspect diurne. Elles s’y rétractaient, comme méfiantes des insinuations dissolvantes de l’ombre.

Hermas songeait tristement sans oser regarder Hertulie. Ils restèrent longtemps ainsi. Le crépuscule était moite et doux, quand, d’un tacite accord, ils se levèrent. Haute et fine dans sa longue robe dont les plis se cannelaient jusqu’à terre, Hermas la voyait reflétée dans l’eau morne du bassin, avec son visage pâle transfiguré par l’au delà de songe et de sommeil que prend toute face à y être vue. Tout et le silence était si semblable à la mort qu’Hermas sentit la nécessité d’interrompre par quelques paroles d’espoir, même inutiles, le suspens de cette angoisse, et ce