Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/182

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

visiteuse solitaire allait lentement parmi les tombes. Son long voile jaune s’accrochait parfois à la branche d’un cyprès ou aux épines d’une rose, et alors on voyait son visage, qui était délicatement fardé. Une fois elle se pencha pour lire un nom, et les médailles de son bracelet tintèrent sur le marbre, puis elle s’assit et elle pleura. Hermagore s’approcha : « Pourquoi pleures-tu ? » lui dit-il. « D’où viens-tu donc, passant ! » répondit-elle, « pour ignorer ma célèbre douleur ? On en parle au loin et toi seul n’en saurais rien. N’as-tu pas su qu’Ilalie aima. Elle aima celui qui l’a délaissée. Il est parti, et dès lors je me plus à errer dans ces lieux ; il est parti un soir et m’a quittée pour la pauvreté et la sagesse, et on dit qu’il est maintenant pêcheur au bord d’un fleuve, près de la mer ! » « Moi aussi j’ai été pêcheur au bord d’un fleuve », répondit Hermagore, « j’ai labouré une terre aride, je suis las du soc et de la rame et je viens vers l’or et vers l’amour. »

Hermagore qui avait couché nu parmi les roseaux du fleuve et dormi la tête sur une pierre dans le sillon de son champ, qui avait été flagellé par le vent, piqué par les abeilles et