Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/225

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spéciale du château. L’ingénieux Seigneur s’enfermait, pendant de longues soirées, tour à tour, dans l’une de ces salles où brûlait un parfum différent. Les mobiliers assortis aux tentures correspondaient à des intentions subtiles. Longtemps, passant sa main dans sa longue barbe parsemée de quelques poils d’argent, l’Amant solitaire regardait la robe appendue devant lui en la mélancolie de sa soie, l’orgueil de son brocart ou la perplexité de sa moire.

Des musiques appropriées sourdaient du dehors à travers les murailles. Auprès de la robe blanche (ô tendre Emmène, ce fut la tienne !) rôdaient des lenteurs de viole languissante ; auprès de la bleue (qui fut toi, naïve Poncette !) le hautbois chantait ; près de la tienne, mélancolique Blismode, un luth soupirait parce qu’elle fut mauve et que tes yeux étaient toujours baissés ; un fifre riait, suraigu, pour rappeler que tu fus énigmatique, en ta verte robe encoraillée, Tharsile ! mais tous les instruments s’unissaient quand le maître visitait la robe d’Alède, robe singulière et qui avait toujours semblé vêtir un fantôme ; alors la musique chuchotait tout bas