Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/297

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le sien une outre de peau. Au centre, se trouve un bassin, carré aussi, avec des margelles de pierre verdâtre, au milieu duquel, sur un socle qui trempe dans l’eau, se dresse, en bronze vert, la statue d’un homme nu qui semblait écouter attentivement alentour.

Comme il n’y a ni arbres ni fleurs en ce jardin, il ne tombe dans l’eau ni feuilles mortes ni pétales ; elle miroite, claire, profonde et noire ; quand on en fait le tour on y voit le mirage de la statue qui vous y suit et semble toujours vous regarder, car elle a quatre faces qui sont pareilles sur quatre corps qui, par un artifice d’optique, n’en font qu’un tour à tour.

J’ai beaucoup erré dans ce jardin ; le soleil n’y parvient guère ; la pluie y verdit les buis et y fait ramper les escargots ; le lieu était toujours sonore et extraordinairement silencieux ; l’eau y stagnait sans un bruit de fontaine. J’ai passé bien des heures à marcher entre les hauts murs de ce promenoir ; en le quittant pour remonter dans la maison je retrouvais de salle en salle la même solitude.

Pendant les mois d’hiver je m’asseyais au coin du feu. La chaleur de la flamme recroque-