Page:Régnier - La Cité des eaux, 15e éd.djvu/151

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Notre peuple travaille, accouple, unit et forge !
La colère à forger nous saisit à la gorge
Et nous gonfle le muscle et nous brûle le sang.
Notre souffle inégal suit notre bras puissant,
Car, de tout ce métal qu’il martèle sans trêve,
S’aiguisent par milliers les lances et les glaives,
Et la bataille sort de notre antre guerrier.
Notre œil unique, c’est ton orbe, ô bouclier !
Et nos torses fumants que la scorie encrasse
Ont servi de modèle à mouler la cuirasse,
Et c’est nous, de qui l’œuvre obscur et souterrain
Pour la ville aux dieux d’or fait des portes d’airain.

« Condamnés à la nuit, Cyclopes, nous aurions,
Comme d’autres, aimé le jour et les rayons,
Le soleil, la clarté, l’air vaste, la lumière,
Mais notre race, hélas ! de l’ombre est prisonnière.
C’est ainsi. La sueur nous coule de la peau
Tandis que court la source et glisse le ruisseau,
Furtive entre les joncs et pensif sous les chênes,
Et que la Nymphe rit d’être nue aux fontaines !
Le vent frais eût séché nos corps laborieux.
La terre est belle. Non. Les fleurs pour tous les yeux
Multicolores et charmantes sont écloses,