Page:Régnier - La Cité des eaux, 15e éd.djvu/184

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Qui s’empourprent dans l’ombre auprès d’un vieux laurier.
Il fait beau. Sur la route, avec son chevrier,
Le troupeau qui piétine en la poussière chaude ;
Son bâton à la main, un mendiant qui rôde ;
Une femme qui rit et que l’on ne voit pas ;
Quelqu’un qui passe : rien, ni la voix, ni les pas
Ne te semblent pouvoir de lui-même distraire
Cet hôte, aux yeux baissés, du jardin solitaire.
Ai-je l’air de vouloir être ailleurs qu’où je suis ?
Le jour s’en va, rayon à rayon, bruit à bruit ;
Et la ruche incertaine et la rose indistincte
Sont l’une d’or pâli, l’autre de pourpre éteinte ;
Le crépuscule est à genoux devant le soir ;
Le laurier lentement se bronze et devient noir,
Et je reste debout dans l’ombre, et c’est à peine
Si l’on entend tout bas un peu plus la fontaine,
Et j’écoute à mon cœur en larmes dans mes yeux
L’éloquente rumeur de mon sang furieux.