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LES ROSEAUX DE LA FLUTE
ÉGLOGUE MARINE
L’HOMME
Puisque le poil d’argent point à ma barbe noire,
Dans l’ombre je m’assieds enfin et je veux boire
À la fontaine fraîche enfin les bleus roseaux ;
Puisque le rouet sourd et les minces fuseaux
Ne bourdonneront pas sur mon seuil habité
Ouvert au crépuscule en face de l’été,
Et que nul geste doux et nulle main fidèle
N’effeuillera sur mon tombeau l’humble asphodèle
Ou le lierre noir dont s’enlace le cippe ;
Puisque aucun doigt de femme aux trous de ma tunique
Ne recoudra le fil habile et diligent,
Avec les ciseaux d’or ou l’aiguille d’argent,
Et puisque pour la nuit ma lampe sera vide,
Le sablier muet et sèche la clepsydre,
Je veux m’asseoir, dans l’ombre, en face de la mer,
Et suspendre à l’autel, hélas ! le glaive clair