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LES ROSEAUX DE LA FLUTE


L’OFFRANDE


La maison reste blanche entre ses noirs lauriers ;
La pêche gonfle encor sa gorge aux espaliers
Et la grappe mûrit parmi les pampres verts
Et le soleil couchant, par les volets ouverts,
Jaunit le mur de stuc et le pavé de brique ;
L’assiette d’étain clair près de la lampe unique
Est vide, hélas ! et l’huile à jamais est tarie,
Et, sur la table nue, aucune rêverie,
Ni songe souriant ou fatigue amoureuse,
N’accoudera son geste las, ni, ténébreuse
Et douce par le doux regret d’avoir vécu,
L’Ombre aux chers yeux fermés de celle que tu fus
Enfant, ne reviendra hanter la maison vide ;
Car tu es morte, toi, de ne plus vouloir vivre
Et tes mains en partant, un soir, ont emporté
La coupe pour y boire avec l’eau du Léthé
L’oubli cruel et lent, et tu as pris, ô Sage,
L’obole pour payer le funèbre passage,