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INSCRIPTIONS POUR LES TREIZE PORTES DE LA VILLE


POUR LA PORTE DES MENDIANTS


L’âpre bise nous glace et la neige nous gerce,
Notre face ruisselle en larmes sous l’averse,
Car l’automne et l’hiver sont durs au mendiant
Qu’on voit errer sur les routes, apitoyant
En vain celui qui passe et qui hausse l’épaule.
L’hirondelle au vol vif de son aile nous frôle,
Le chien aboie et mord la loque et le jarret ;
On a peur de nous rencontrer dans la forêt ;
Et cependant nous sommes doux d’avoir souvent
Écouté dans les vieux roseaux pleurer le vent
Et d’avoir vu, hélas ! sur le mont et le bois,
Tant d’aurores, hélas ! se lever tant de fois
Et tant de lourds soleils s’abîmer dans la mer…
La ronce du chemin est dure à notre chair ;
Jamais pour nous, jamais la pierre acariâtre
Ne voulut être seuil, ne voulut se faire âtre,
Car la flamme est de l’or, et nous, nous somme nus ;
De tous les malveillants nous sommes malvenus,