Page:Régnier - Les Jeux rustiques et divins, 1897, 2e éd.djvu/270

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
266
LES JEUX RUSTIQUES ET DIVINS


Aube à aube, jour à jour, année à année,
J’ai cueilli la fleur pâle et la perle et le fruit
Et chaque soir m’a dit qu’une aurore était née.

La Nymphe m’a donné la fleur et m’a conduit
Sur la grève où me tend, hors de l’eau, la Sirène
Le clair corail qui saigne et la perle qui luit.

Car j’ai connu le flot et connu la fontaine,
L’onde douce qui chante aux vasques en tremblant
Et l’eau verte qui bave au roc qui la refrène ;

Et si mon pas hésite et s’attarde plus lent,
C’est que je porte aussi une double corbeille,
L’une tressée en or, l’autre faite d’argent.

Accepte le fruit mûr et penche ton oreille
Sur la conque où gémit le refrain de mes jours,
Tristesse qui s’endort ou douleur qui sommeille ;

Voici la fleur légère et voici le fruit lourd,
Accepte-les de moi pour, hélas ! en apprendre
Mon éternel Espoir en route vers l’Amour.

Au-dessus de ta porte aussi je veux suspendre
La flûte où j’ai chanté la douceur d’un beau soir
Et le sablier vide où j’ai vu l’heure en cendre.