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POÈMES DIVERS


Va-t’en. Le fleuve lent au fil de ses eaux lasses
Conduira tes doux pas, et, froide à tes pieds blancs,
L’onde qui refléta ton visage et qui passe
Lavera leur poussière, ô Passante ! en passant.

Tu verras la mer vaste et la forêt farouche,
Le courroux d’or des blés que courbe le vent clair,
Et l’Été nu tendra aux lèvres de ta bouche
Les fruits de l’arbre avec les conques de la mer.

Tu mordras la douceur qui jute au flanc des pêches
Ivres de succulence et de maturité,
Les flûtes de roseaux entre tes lèvres fraîches
Craqueront sous tes dents après avoir chanté.

Tu chanteras avec les bois et les fontaines,
Avec le vent qui rôde et l’eau qui rit en pleurs,
Avec la dure averse et la pluie incertaine,
De la première feuille à la dernière fleur.

Mais quand le grave Automne avec le Soir qu’il guide
En la vieille forêt qui s’est faite d’or lourd
Te montrera, fuyant, dans ta mémoire vide,
L’Espoir, par le chemin où s’est perdu l’Amour ;