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LE REPOS


 
J’ai longtemps animé avec mes flûtes justes
Un paysage frais de ruisseaux et d’arbustes,
Et mon souffle soumis à mes doigts inégaux
A longtemps imité les feuilles et les eaux
Et le vent qui parlait à l’oreille des brises ;
Mais le buis est amer aux dents et les cytises
Sont amers, et les heures calmes et les jours
Et ce qu’on croit la joie et ce qu’on croit l’amour ;
Et les soirs langoureux et les aurores tendres
Mûrissent des fruits d’or qui font la même cendre ;
Et les faces toujours ont la même pâleur
À s’apparaître aux fontaines parmi les pleurs
Qu’à rire hautes aux miroirs de leurs destins ;
Et le pied qui n’a pas marché saigne, et les mains
Sont lasses tout autant de l’argile des lampes
Que d’avoir, furieusement, au bois des hampes
Crispé leurs ongles durs, et la paume s’écorche
À tenir une fleur comme à brandir la torche.