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LES JEUX RUSTIQUES ET DIVINS


LES OMBRES FIDÈLES


Avec ton souvenir qui accoude en mon songe
La statue aux yeux clos et qui serait ton ombre
Si ta voix n’était pas morte dans mes pensées,
Fraternels, et leurs mains entre elles enlacées,
J’ai dans mon souvenir, debout et face à face,
Anciens témoins et qui se parlent à voix basse,
L’un qui sourit encore à l’autre qui larmoie,
Le désir de la Mort, le désir de la Joie
Qui se tiennent ainsi et ne me quittent pas ;
Si je marche j’entends auprès de moi leurs pas ;
Partout où je me songe et partout où je vais
Ils me suivent, et l’un marche sur des pavés
De marbre taciturne où poussent des fleurs claires
Dès que l’autre après lui foule les sombres pierres.