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LA CONQUE


La Mer, quand elle est lasse, allonge indolemment
Jusques à l’horizon son corps glauque et mouvant ;
La lune sur les eaux l’argente et la fait nue,
Parfois ; puis, au matin, l’aurore revenue
Vêt son repos fluide et son souple réveil
D’une robe de feu, de brume et de soleil
Que de grands midis d’or couvrent de pierreries,
À moins que quelque sombre et soudaine furie
La dresse haletante et debout et hurlant
Par les gueules du flot et les bouches du vent,
En sa colère au ciel dispersée en écumes…
Et, plus lasse d’avoir craché son amertume,
La voici qui s’endort sur la grève à tes pieds
Laissant traîner parmi le sable et les galets
Sa verte chevelure éparse d’algues longues ;
Écarte-les et prends en tes mains cette conque
Toute irisée encor de marée et d’embrun
Et ruisselante et qui semble écouter quelqu’un,
Et tu croiras parler, en sa nacre tordue,
À l’oreille, tout bas, de la mer qui s’est tue.