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les médailles d’argile

Vis. La fleur de ta chair embaume son été ;
La maison de Tyndare au soleil toute blanche
S’endort. La serpe craque à l’arbre qu’on ébranche
Là-bas ; ici l’on sarcle et plus loin quelqu’un bêche ;
La chanson d’une faulx siffle dans l’herbe fraîche ;
La vigne est lourde au cep et flexible au pilier.
Visite le lavoir, la grange, le cellier ;
L’odeur du vin embaume à travers l’outre grasse.
Rentre, au mur vois pendus le glaive et la cuirasse ;
Remplis d’huile la lampe et polis le miroir ;
Puis, tranquille et laborieuse jusqu’au soir,
Assieds-toi sur le seuil et, de tes mains habiles,
Enroule à ton fuseau la laine que tu files.
Quelle pourpre, marine ou vivante, la teint ?
Et toi qui vas mêler aux trames des destins,
À la cruelle Mort l’Amour inexorable,
Assise et souriant sur le seuil vénérable,
Sereine et comme sur le marbre d’un tombeau,
Tu regardes s’enfler à ton fatal fuseau,
Entre ses pointes d’or, fil à fil élargie,
La laine deux fois teinte où ta main s’est rougie.