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hélène de sparte


Mais lui, dont les durs yeux n’ont jamais hésité
Te regarde au visage et refuse d’un signe.
Et le Passeur des Morts sourit à la Beauté,
Et la barque t’emporte, Hélène, sœur des cygnes !

Déjà décroît la rive et le fleuve muet
Que divise la proue et bat la rame double,
Roule son onde morne et son eau sans reflet
Comme un marbre fluide et comme un métal trouble ;

Et voici que déjà monte en face et grandit
Le ténébreux rivage et l’infernale côte,
Et l’aviron plus lourd crispe le bras roidi
Du Passeur plus courbé qui mène l’Ombre haute.

Elle, debout, contemple une dernière fois
Derrière elle les cygnes noirs qui l’ont suivie
Et salue à jamais en eux qu’elle revoit
Les oiseaux blancs jadis au fleuve de sa vie.

Hélène, mais la rive où le sombre Nocher
Te conduit n’est donc pas déserte et solitaire ?
Et la grève où la proue au sable va toucher
Est aux Ombres déjà dont la foule s’y serre.