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PHILENIS ET EUCRATE


Le vent brusque à mon seuil souffla ma lampe haute,
Mais j’ai vu ton visage et je sais que c’est toi ;
Viens vite sur le lit que deux corps font étroit ;
L’amour va doucement nous coucher côte à côte.

Non, ne rallume pas la lampe, ô mon cher hôte !
Je sais quel voyageur j’abrite sous mon toit ;
Sois patient, ne gronde point, écoute-moi
Délacer lentement ma sandale que j’ôte.

Ne sens-tu donc que l’heure amoureuse est venue
Où, peu à peu, pour toi, j’achève d’être nue ?
Mais laisse encor qu’avant de m’étendre en tes bras

Mon geste ténébreux sans ombre sur le mur,
Au nocturne miroir où je ne me vois pas,
Passe un peigne invisible en mes cheveux obscurs.