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Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/105

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je la serrai à la gorge ? Peu à peu, sa défense se relâcha. Je pressai son corps sous le mien. Elle me regardait de ses yeux élargis. Ah ! monsieur, quel moment ! Je la sentais fondre sous moi, comme je me sentais fondre en elle, mais à mesure que je la pénétrais de la substance même de mon péché, il me semblait que son visage se transformât et devînt épouvantable. Ce n’était plus une figure humaine, mais un masque diabolique qui présentait à ma vue son aspect effrayant. La face même du Démon, monsieur, et ce démon, était celui qui vivait en moi et qui m’apparaissait, visible en toute son horreur ; et je sentais en mes veines le feu de l’enfer et j’en étais, monsieur, la fontaine allumée et le jet brûlant.

M. le Varlon de Verrigny s’était levé, tout haletant de péché. Son ombre, projetée sur le mur par la clarté de la chandelle, était difforme et terrible. M. de Bréot se taisait. M. Le Varlon de Verrigny reprit avec une exaltation redoublée :

– C’est là, monsieur, c’est là, où se révèle le miracle de la grâce. Les voies de Dieu sont mystérieuses. Il fallait que j’en arrivasse à ce point de turpitude et d’ignominie pour bien montrer que, sans Dieu, l’homme ne peut rien sur lui-même.