étaient servis par un domestique assez nombreux et visités d’assez de monde. Beaucoup de carrosses se rangeaient à la porte. Il en descendait des dames et des seigneurs superbement vêtus ; mais c’était moins, je le dois dire, pour m’amuser de ce mouvement que je me postais aux abords de l’hôtel de Grigny que dans l’espoir d’un autre événement, dont l’idée seule me causait une extrême agitation.
» Madame la duchesse de Grigny sortait parfois de chez elle pour aller rendre les visites reçues, tantôt seule, tantôt accompagnée de son mari. Elle emplissait tout le carrosse du rayonnement et de la lueur de sa beauté. Ah ! monsieur, quel miracle que je n’aie pas été plus de vingt fois renversé par les chevaux ou écrasé par les roues, tant ma surprise et mon hébétement me rendaient incapable de les éviter ! Je demeurais immobile, les yeux fixés sur ce visage admirable, et, longtemps encore après qu’il avait disparu, j’en restais comme ébloui et transporté. J’arrivai ainsi à en connaître tout le détail. Je savais la couleur juste de sa bouche, le grain de sa peau, et, chaque fois, ce spectacle délicieux me ravissait davantage.
» Je menais ainsi la vie en même temps la plus agitée et la plus monotone. Mes jours ne se distinguaient