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Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/183

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et était parvenu à mes oreilles. Depuis la mort de madame de Grigny, je vivais dans un sentiment singulier, qui était comme un mélange de dépit et d’horreur. Quoi ! ce corps, dont j’avais en une nuit ardente entrevu la beauté luxurieuse, était pourri et gâté ! Maintenant, on allait l’emmener, je ne savais où, pour l’enclore au sépulcre ! Pourquoi n’en avais-je pas connu, comme un monsieur des Bertonnières, les délices et les caresses ? Cette pensée me laissait dans l’esprit une amertume affreuse et un regret brûlant. Aussi éprouvai-je une envie insurmontable d’assister à la cérémonie qui se préparait : peut-être qu’à voir mettre en terre ce qui avait été madame la duchesse de Grigny j’y perdrais ce désir atroce dont l’aiguillon me poursuivait et je trouverais l’oubli qui convenait à ces événements dont il ne pouvait que m’être fâcheux de garder le souvenir empoisonné. D’autre part, l’insulte qu’un mari vindicatif voulait ajouter à ses cruautés me semblait m’imposer le devoir de ne point abandonner celle pour qui j’avais conçu tant d’admiration. Et, à ces moments, madame la duchesse cessait d’être pour moi cette femme demi-nue, surprise brutalement en sa débauche ; elle redevenait la noble dame que j’avais vue descendre de son carrosse, un