Aller au contenu

Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/62

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

opposée. Alors le passeur voyait avec étonnement notre homme, qui s’était tenu bien tranquille à son banc, sauter à terre, s’y jeter à plat ventre comme pour l’embrasser et, s’étant relevé, faire un grand salut aux arbres et entrer sous leur couvert, car c’est ainsi que M. Floreau de Bercaillé venait rendre hommage à la nature, se mêler à la solitude et y renouveler l’idée de ce que nous sommes.


M. de Bercaillé ne pensait pas que notre âme fût différente de notre corps et durât plus que lui. L’assemblage de nos atomes n’est qu’un des jeux du vaste univers. Nous restons assez pareils aux choses qui nous entourent, quoi que nous fassions pour nous duper là-dessus. C’est ce qu’expliquait M. Floreau de Bercaillé à M. de Bréot, assis devant lui à la même table de la petite auberge, où ils venaient de se rencontrer et où ils se parlaient pour la première fois.

– N’est-il point singulier, monsieur, – disait M. Floreau de Bercaillé, en essuyant ses coudes et ses genoux verdis par l’herbe où il s’était vautré tout le jour, – de passer notre existence à ne considérer de la nature que les formes que l’homme lui a imposées et à ne voir d’elle que l’aspect qu’il lui