Aller au contenu

Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/85

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

faire impie que sur le tard, encore que je sente que j’y éprouverais aujourd’hui une grande facilité, car si je suis fort irrité contre moi-même, je ne suis guère content de Dieu, monsieur. Oui, en vérité, est-ce donc une marque de sa bonté que de laisser un homme sans appui contre des passions dont, après tout, l’auteur véritable est bien celui qui nous a créé ce corps qu’il ne nous aide guère à maîtriser en ses écarts ? Oui, j’enrage, quant au mien, d’avoir à en répondre, au jour où Dieu me le reprendra, sans m’en avoir laissé user tranquillement et sans m’avoir secouru dans les dangers où me précipitent tous les aiguillons qui l’échauffent et qui, si je n’avais dans l’esprit la peur de l’enfer, ne seraient qu’un agréable appel au plaisir où ils me poussent…

– Et pourquoi donc, – dit, après un silence, M. de Bréot, – n’essayez-vous pas de détruire en vous ce qui fait votre malheur, je ne veux pas dire ces aiguillons et ces pointes du désir, mais bien au contraire cette fausse certitude où vous êtes qu’ils travaillent à votre perte ? Pensez-vous donc que la religion soit si naturelle à l’homme et qu’il n’y ait pas un peu, dans ce qu’elle nous semble, de ce qu’on nous ait habitués à la