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320 PREMIERS POÈMES


SUR UN TABLEAU CÉLÈBRE


A Gustave Moreau


Le corps oublié reste en les roseaux du fleuve Qui lave les pieds nus et jadis vagabonds ; Et sur la Tête exsangue entre tes mains de veuve Verse ta chevelure en ors ondes et longs !


Les pieds blessés ont su les routes de la plaine Et les chemins de la forêt et les sentiers De l’aurore et du soir et de la nuit où peine L’exil triste comme la cendre des foyers.


Le corps blême qui gît au sable de la rive Et tremble nu, sous les étoiles, près de l’eau, A cambré son orgueil de chair virile et vive, Jadis, et pour sa mort n’a pas eu de tombeau.