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LA DOUBLE MAÎTRESSE

heureux changement. Belle et charmante dans sa jeunesse, elle aimait la beauté et la jeunesse des autres. Il lui restait des siennes une maturité douillette et douce. Son visage avait conservé ses jolis traits d’autrefois et un fard habile conservait à ses joues les couleurs qui y fleurissaient jadis. Elle était comme son propre pastel, ressemblant, et d’une chair délicate et poudreuse.

La beauté inattendue de Julie ébahissait Mme  du Fresnay. Elle ne se lassait pas de la regarder et dix fois par jour, prise du désir de la voir, elle la cherchait au jardin ou dans la maison et montait jusqu’à sa chambre pour savoir si elle ne s’y trouvait pas.

M. du Fresnay avec qui sa femme riait de cette sorte d’agitation joyeuse où vivait maintenant Julie, avait remarqué fort subtilement que le plus haut point en coïncidait assez régulièrement avec les heures où le gros Portebize se montrait au château.

De ses anciennes relations avec M. du Fresnay et de la part qu’il avait prise avec tant d’empressement à l’organisation du bal s’était ensuivie une sorte d’intimité entre les du Fresnay et lui. On tenait prêt son couvert et il restait à souper sans façon, car souvent il arrivait dès l’après-midi et passait là presque toute sa journée. Par une assez adroite franchise, il avait déclaré à M. et Mme  du Fresnay son admiration pour Julie, proclamant n’avoir jamais vu plus joli visage, tant de fraîcheur et de grâce, leur rapportant les propos qu’on en tenait à la ville, y ajoutant ses propres