Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/129

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
129
LA DOUBLE MAÎTRESSE

la ville pour ses habitudes et du peu de moyens de les y satisfaire, même tant bien que mal, car en ce moment il était complètement à sec et au plus bas dans ses affaires.

Le séjour du Fresnay venait donc fort à point. La table était bonne, les hôtes accueillants, et la présence d’une jolie fille y ajoutait une sorte d’intérêt dont, en y pensant, il ne s’expliquait pas bien la nature, mais dont il ressentait l’effet. Bientôt pourtant, et peu à peu, il entrevit, à ce qu’il considérait lui aussi peut-être tout d’abord comme un badinage, un tournant et un avenir inattendus, et il mit dès lors tous ses soins à bien jouer une partie où, s’il n’avait rien à gagner, il n’avait au moins rien à perdre.

La vérité, d’autre part, est que Julie étourdie et naïve, ne vit à tout cela que l’agrément d’être louée et elle s’y prêta avec ce goût naturel aux femmes pour se savoir admirées et se l’entendre dire ; mais son partenaire qui était hardi et corrompu entendait bien, sous le couvert d’un jeu innocent, mener la chose aussi loin que possible, du moment qu’il y croyait apercevoir quelque chance de tourner en aventure ce qui, au début, n’avait été que l’agacerie ignorante d’une fillette sensible aux soins du seul homme qui fût à même de lui en rendre.

Après les premières approches, Portebize se mit en mesure d’agir, mais il s’aperçut bientôt qu’il employait un langage dont Julie, fort innocente et nullement instruite, ne comprenait guère les allusions. Portebize était habitué à parler à des femmes