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LA DOUBLE MAÎTRESSE

Il avait un portefeuille assez bien garni de pièces de toutes sortes qui allaient du galant à l’érotique, des manèges de la coquetterie aux pratiques du plaisir. Il les fit voir une à une à Julie. Il s’était procuré de plus grandes facilités en venant s’installer au Fresnay même et comptait profiter de la familiarité du même toit. Enfin il s’était déclaré ouvertement à Julie qui maintenant comprenait fort bien ce qu’il voulait. Il lui avait proposé le plaisir en lui promettant le secret.

La scène eut lieu dans la charmille. Le gros Portebize fit bien les choses, mit le genou en terre, déclara sa flamme, fut pressant et passionné. Julie le laissa dire. On entendait dans le pavillon de musique le violon de M. du Fresnay. L’air était doux et chaud. Mlle  de Mausseuil portait au corsage une belle rose qu’un geste trop vif de Portebize effeuilla à demi. Julie, avec une révérence moqueuse, s’esquiva de l’embuscade en riant à grands éclats, et Gros Ami se releva furieux et dépité, d’autant plus que le temps approchait où Julie devait retourner chez Mme  de Galandot.

Ce fut pourtant Portebize qui partit le premier. Quelques jours après la scène du bosquet, le régiment du Royal-Lorraine reçut l’ordre de lever le camp et de quitter ses quartiers. Portebize fut enragé de ce contretemps qui, d’un coup, mettait fin à ses projets. Il maugréait et jurait en bouclant son bagage, regrettant, non point la dangereuse semence dont il avait infecté ce jeune esprit, mais bien plutôt le soin malencontreux qu’il avait pris de si bien avoir préparé Julie à l’amour et que