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LA DOUBLE MAÎTRESSE

rougeaude, aux paupières plissées, à la bouche alourdie, avec le grand nez hardi et les yeux vifs.

Elle se tenait accoudée à la portière, une rose au corsage comme celle qu’elle portait dans le bosquet de charmilles et, comme Portebize prenait congé d’elle, elle lui tendit, avec un frais éclat de rire, la fleur qui s’effeuilla à demi. Portebize la prit et la mit négligemment à la ganse de son chapeau. Mlle  de Mausseuil sentait sur son visage le souffle chaud du cheval impatient que son cavalier avait peine à maîtriser, puis dans un : « Au revoir, Mademoiselle Julie ! » coupé du sifflement d’une cravache, elle vit la monture pivoter et, cabrée, les sabots hauts et la croupe basse, M. de Portebize l’enlevant d’un galop, rejoindre son rang sans retourner la tête.

Quand M. du Fresnay revint fort triste de Pont-aux-Belles, où il laissait pour trois mois Julie aux mains de Mme  de Galandot, il trouva sa femme qui l’attendait et le mena sans rien dire dans la chambre de Mlle  de Mausseuil. Elle était vide et déjà remise en ordre, les armoires refermées et le lit refait, et, une fois là, Mme  du Fresnay souleva l’oreiller. Un petit livre était posé sur le drap blanc. M. du Fresnay prit la brochure et l’ouvrit distraitement. Elle était couverte de taches et imprimée sur un mauvais papier, comme ces recueils des contes de la Mère-l’Oie que vendent les colporteurs. Il en lut quelques pages : à mesure qu’il lisait, sa figure exprimait un étonnement stupéfait ; puis, joignant les mains, il laissa tomber