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LA DOUBLE MAÎTRESSE

demi-obscurité, avant que chacun rentrât dans sa chambre, des rires étouffés, des bousculades silencieuses.

Une fois seule, Julie se mettait à l’aise, en chemise et en cornette de nuit, puis elle ouvrait la fenêtre et attendait.

Les cheminées et les combles du château étaient hantés par de nombreuses chauves-souris. Dès le crépuscule, elles commençaient à errer de leur vol rapide et doux. Elles se croisaient en arabesques entrelacées et s’évitaient par de brusques angles. Elles jouaient, agiles, promptes et mystérieuses, au-dessus du parterre d’eau et semblaient, par le langage de leur grimoire aérien, conjurer à les suivre et vouloir délivrer de son enchantement immobile l’aile de bronze du cadran.

La lumière les attirait dans la chambre. Il n’était pas rare qu’une y entrât furtivement. C’était justement ce qu’attendait Julie. Elle ouvrait doucement sa porte et venait gratter à celle de son voisin qui, en robe de chambre à ramages, s’apprêtait à se coucher, à moins que, réveillé en sursaut, il accourût tout ébouriffé au secours de sa cousine.

Nicolas détestait les chauves-souris et même il en avait grand’peur ; aussi était-ce en courbant le dos et en renfonçant la tête entre les épaules qu’il pénétrait chez Julie, portant une sorte de long manche à balai terminé par une boule d’étoupe dont on se servait contre les toiles d’araignée.

Alors commençait la poursuite aérienne. Julie,